Le Chiapas : révoltes, culture et nature préservée – 10 jours au coeur du Mexique indien…

Nous arrivons en soirée à San Cristobal de Las Casas.

Nous prenons le premier hôtel du Lonely Planet « Posada Corto Maltese » et nous y rendons. Le prix est le double que celui annoncé sur le guide. Cela a l’air très sympa, mais du coup, nous cherchons ailleurs. Nous tombons via Booking sur une offre intéressante pour le Planet Hostel, à 2 rues du centre et 10mn à pied du Zocalo, la place centrale. SDB commune, cuisine à disposition, bon wifi et un super petit déjeuner compris dans le prix : 6OO pesos mexicains. Nous resterons 4 nuits à San Cristobal qui sera notre camp de base pour les prochains jours.

 

Nous sortons diner dans le centre-ville : beaucoup de monde, plus de touristes qu’on en a vu jusqu’à maintenant, pas mal d’européens qui semblent vivre ici et qu’on sent acquis à la cause révolutionnaire, d’indiens (enfin indigènes, je rappelle qu’ici indiens est très péjoratif) qui essayent de vendre de l’artisanat à la sauvette pour quelques pesos etc.. Tout cela forme un beau mélange et donne à San Cristobal une atmosphère particulière ou plane l’ombre du sous commandant Marco. à San Cristobal. Nous mangeons àTierrAdentro, une sorte de centre culturel-restaurant tenu par des communautés zapatistes, ou nous mangeons très bien, pas cher avec un concert très sympa de surcroit ! Il comprend également une librairie révolutionnaire et des boutiques de souvenirs #bonplan !!

Petite parenthèse historique : le nom de cet état rend hommage aux « Chiapas », ethnie disparue d’indigènes (ici « indien » est péjoratif) qui se sont suicidés collectivement au moment de la conquête espagnole plutôt que d’être colonisés. C’est un des états les plus riches du Mexique en ressources, mais un des plus pauvres au niveau de la population et particulièrement des indigènes, qui représentent plus de 40% de la population (espérance de vie, alphabétisation, eau courante et électricité.. tous ces indicateurs sont les plus bas du Mexique).

Depuis longtemps, il existe des tensions entre grands propriétaires terriens, soutenus par les autorités, et les populations indigènes. Ceux-ci ont très souvent été victimes de vols de terre, de violences, d’enlèvements etc.. Ils sont depuis toujours considérés comme des citoyens de seconde zone. Déjà en 1910 lors de la révolution mexicaine, ils avaient tenté de faire valoir leurs droits, menés par Zapata et Poncho Villa. Le 1 er janvier 1994, jour de la signature de l’ALENA, traité économique ultra libéral entre le Mexique, les USA et le Canada, le sous commandant Marcos et l’armée zapatiste (EZLN) occupent plusieurs villes du Chiapas et font à nouveau entendre leurs revendications, la situation ayant très peu évolué depuis le début du siècle : plus de libertés publiques et le respect des minorités, l’égale répartition des terres, des services publics (écoles, hôpitaux etc..) Ils occupent différentes villes du Chiapas. Leur révolte est pacifique mais ils se font massivement bombarder par l’armée, qui fait plus de 400 morts. Cependant, voyant que cela est inefficace, des discussions débutent entre le gouvernement et les zapatistes. Pendant plusieurs années, des négociations ont lieu, des accords sont signés sans être appliqués et la situation n’évolue pas beaucoup… Aujourd’hui encore, les zapatistes continuent le combat.


Nous croisons beaucoup de signes de cette rébellion : « camps » et écoles zapatistes et toujours bilingues, clinique autonome, beaucoup de manifestations dans des petits villages ou les gens arrêtent les voitures pour distribuer des tracts informatifs (ou il est souvent question d’expropriation sauvage, de corruption des élus locaux et de violences répétées), panneaux explicatifs etc … le mouvement zapatiste reste présent au Chiapas, et au vue du traitement réservé aux populations indigènes, il n’est pas prêt de s’éteindre ! Pour exemple ces familles installées depuis un mois sur le parvis de l’église de San Cristobal en signe de protestation, et qui nous expliquent qu’ils se sont fait voler leurs terres par le gouvernement et qu’ils sont sans rien depuis…

Nous avons ciblé plusieurs choses intéressantes à faire dans la région et commençons le lendemain par une journée expédition jusqu’aux chutes d’El Chiflon. Après deux heures et quelque de route, via Comitan, nous arrivons sur un site très bien aménagé ou nous commençons par l’observation d’iguanes vivant dans leur milieu naturel…les enfants sont emballés (et nous aussi !!), puis nous longeons la rivière, jusqu’aux différentes cascades plus énormes les unes que les autres !! waou !! Époustouflant !

La dernière d’entre elle brasse tellement d’eau que l’on est trempé comme sortant de la douche, rien qu’en l’observant ! Elle doit faire une bonne vingtaine de mètres et le débit est impressionnant !  Les gens du coin viennent ici pique niquer, il y a des barbecues à disposition… C’est un lieu assez convivial.

On y voit également beaucoup de papillons. C’est une constante depuis le début de notre voyage et cela change de la France ou, comme les abeilles, on n’en voit quasiment plus…

Le lendemain nous flânons dans cette ville où il fait bon vivre…l’ambiance est calme, les rues colorées et la vue du haut de la ville (après avoir monté une centaine de marches) vaut vraiment le détour. Cette ville fourmille de vie artistique, nous croisons plusieurs magasins de musique, des jeunes avec des guitares sur le dos, des cours de marimba (grand xylophone en bois, typique de la musique mexicaine), des ateliers en tout genre, des musées etc… Nous passons au musée Na Bolom, créé par deux anthropologues européens qui ont beaucoup fait pour la reconnaissance et la sauvegarde des indiens lacandoniens, une ethnie différente vivant jusqu’à peu assez isolés dans la forêt lacandonienne. Ils se reconnaissent à leur frange et leur tunique blanche. Intéressant mais assez petit.

Nous nous sommes également réservés une journée pour visiter San Juan Chamula et Zinacantan, les deux petites villes à une 20aine de km de San Cristobal, où la tradition indigène tzotzile est prédominante.et conservée contre vents et marées depuis des décennies. On y verra par exemple une majorité de personnes en habits traditionnels. Nous serons également confrontés à la pauvreté de ces indiens et à l’insistance de certains (notamment les enfants) pour essayer de grapiller quelques pesos. On sent la volonté de profiter comme ils peuvent d’une manne financière générée par le tourisme, qui, en majorité, leur échappe… Paradoxe puisque, par exemple dans ce village, les touristes viennent découvrir leurs coutumes et modes de vie…

La visite de l’église de Chamula est une expérience impressionnante. A peine entré, vous êtes saisis par l’atmosphère qui y règne. Le sol est recouvert d’aiguille de pin (ce qui donne une odeur très agréable), quatre grands draps colorés partent du plafond vers les murs en forme de V inversé et surtout il y a des centaines, voire des milliers de bougies allumées partout dans l’église !!

 

Sur les côtés, il y a des représentations de saints catholiques habillés de manière colorée à la mode indienne, la religion pratiquée ici étant un mix entre les croyances indiennes et le catholicisme espagnol amené par les colons. L’ambiance est apaisée, on vient ici en famille, prier pour des proches malades ou défunts, ils ont gardé l’esprit d’un lieu de vie ou les enfants courent et rigolent, on est très loin de la mortification européenne !! Nous sommes surpris de voir toutes les familles avec des sodas américains (Coca ou Pepsi pour ne pas les nommer), ils s’en servent pour roter, ce qui permettrait d’expier le mal plus rapidement !! Burp ! On entend des prières répétées en boucle en totzile, plongeant les fidèles dans une forme de transe, on croise aussi un chaman qui nous propose une purification…cet endroit est vraiment hors du temps ! Nous nous y sentons bien et restons une bonne demi-heure, silencieux et assez émerveillés de ce que nous y voyons, ressentons. En sortant, retour à la réalité, une dizaine de personnes essaient de nous vendre, bracelets et autres babioles en tout genre…

Nous allons dans la foulée à Zinacantan, plus petit bled beaucoup moins touristique où le petit Léo nous mène jusqu’à sa famille dans les hauteurs de la ville. Ce sont des tisseuses, leur travail est splendide, nous leur achetons deux bufandas (écharpes) pour les enfants, Fred aurait bien pris une chemise, mais le XL indien est bien trop petit !! Partie remise… Ici, il a souvent l’impression d’être un géant !

De nombreuses agences de voyages vendent ces tours « découverte des villages indigènes ». Nous n’avons pas voulu souscrire à cela, ne nous sentant pas d’assumer et ne voulant pas cautionner le côté « zoo »…. Cela se fait très bien tout seul si on a un véhicule ou via les collectivos.

Départ le lendemain matin pour Palenque. 5h de route de montagne en prévision, avec un stop à Agua Azul avant d’arriver à El Colombre, un petit hôtel trouvé via AirBnb. Sur la route, nous croisons de nombreux villages indiens. Ici, pas de tourisme, des cabanes en tôles et bois, des enfants qui travaillent dés 5/6 ans aux champs ou en bord de route à vendre des bricoles, quasiment pas de routes goudronnées en dehors de la nôtre… On est dans le Chiapas profond et on comprend mieux les revendications des zapatistes… Les enfants vont jusqu’à tirer des lianes de part et d’autre de la route devant les voitures pour les arrêter et leur vendre des poches de fruits séchés etc… Un môme de 6 ans maximum nous menacera même de rayer la voiture avec un clou si nous ne lui donnons pas d’argent. Ca fait réfléchir sur leur situation…

Arrivés à Agua Azul, nous découvrons une enfilade de cascades et de piscines naturelles turquoise dans une végétation luxuriante. Encore une fois le lieu est très convivial et il y a autant de locaux qui viennent se rafraichir que de touristes étrangers. Après une ballade le long de ce magnifique site, nous plongeons dans les cascades. Des adolescents glissent en utilisant les cascades comme des toboggans, d’autres  sautent de très haut. Les enfants sautent également, mais plus raisonnablement ! Le lieu est vraiment magique même si assez peuplé.

Puis nous arrivons à El Colombre, au milieu de la jungle après 3km de piste. On gagne 10°C pour passer à un bon 34/35°C.

C’est un beau lieu, avec piscine et jardin luxuriant. On y voit des grands perroquets (guacamayas) qui viennent manger des amandes le matin, des écureuils et différents oiseaux tropicaux. Cependant, on est un peu déçu par le airbnb qui vendait ça comme une « chambre chez l’habitant » et par le prix quasi « européen » du cependant très bon petit déjeuner et du diner.

Le lendemain, nous allons visiter le site archéologique de Palenque, une des plus grandes cités mayas de l’époque classique (600/700 après JC). On entend au loin les cris des singes hurleurs. Ces petits singes poussent des cris digne d’un gorille en pleine crise de nerfs, graves et inquiétants.. Bonne technique d’intimidation ! Comme à Teotihuacan, nous prenons les services d’un guide afin de mieux comprendre l’histoire de cette cité. Il se trouve que celui-ci a travaillé comme archéologue pendant plusieurs dizaines d’années sur le site. Il connait donc parfaitement le sujet. Il a une théorie très particulière sur le site et sur la civilisation maya. Selon lui, il n’y a pas de culture maya, mais un ensemble d’ethnies indigènes vivant ensemble à cette période, influencés et métissés, bien avant la fameuse période classique, par les arrivées par l’Atlantique de grecs et d’égyptiens, et par le Pacifique de chinois et d’indiens. Il appuie sa théorie par les symboles et les représentations retrouvées à Palenque ou on voit des dragons type chinois, des représentations et vêtures égyptiennes, la croix d’Ankh etc… Selon lui, la cité aurait été occupée bien avant ce qu’on dit. Il mentionne également les mystères entourant la tombe de Pakal, le roi dont la grande pyramide est le tombeau (c’est la seule pyramide tombeau de tout le continent, celles-ci étant habituellement des lieux de culte, contrairement à l’Egypte). La pierre tombale a été interprétée de différentes manières mais si on la regarde transversalement on voit un homme sur une espèce d’engin type fusée… On retrouve toute ces théories sur internet, ainsi qu’un aveu, officiel ce coup-ci, d’incompréhension de nombreuses choses sur ce site… Bref, à creuser… tant de mystères demeurent sur cette civilisation. Et puis, même dans les Cités d’Or il est question de mystères et d’extraterrestres alors… 🙂

Dans l’après-midi, nous allons nous rafraichir dans une cascade, celle de Roberto Barrios, plus proche que celle de Mizol Ha sur laquelle nous avons fait l’impasse. Nous ne regrettons pas notre choix, ce site, accessible en une trentaine de minutes de Palenque (cf bons plans pour les indications) est beaucoup plus authentique. On arrive dans un village qui ressemble presque à des baraquements militaires, avec un grand centre communautaire (zapatiste nous supposons) aux belles peintures murales et accueillant visiblement des volontaires. Une petite cabane au bord de la route, tenu par des habitants nous fait payer 50 pesos (2€50) pour nous 4 et nous indique un petit parking. Nous finissons à pied pour découvrir plusieurs bassins, un peu comme à Agua Azul, le coté touristique en moins. Il y a ici beaucoup de locaux et très peu de touristes. Et pleins de Palapa (grand parasol en palmes) pour s’abriter du soleil ou de la pluie. On se prend d’ailleurs une belle averse, ici la saison des pluies, jusqu’à maintenant c’est soleil et averses dans l’après-midi.. Franchement gérable…

Le lendemain, grosse journée de route jusqu’à Tulum (9h), on quitte définitivement la montagne pour des lignes droites interminables à travers la forêt et on dit au revoir au Chiapas (nous y reviendrons très probablement, le Mexique nous fait jusqu’ici une belle impression) pour le Quintana Roo et ses plages paradisiaques.  On range l’ordi, on met le masque et le tuba..Rdv dans 10 / 15 jours 🙂

4 Commentaires

  • Ibanez 3 août 2017 at 11:40

    Oh la la merci merci merci !!! On a l’impression d’y être ! Tellement de choses que nous nous connaissons et qu’aujourd’hui nous avons la chance de revivre grâce à vous. merci et bonne continuation à vous.
    Grosses bises à vous 4

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  • jacques ferchaud 3 août 2017 at 09:36

    Merci de nous faire partager ces merveilles, à nous pauvres pêcheurs dyonisiens coincés en Gironde. Quel pied vous devez prendre, et en plus avec vos enfants. Profitez, ça ne dure pas toute la vie ces rapports parents-enfants. On vous aime, et bravo pour les vidéos avec la musique qui va bien avec, ce qui n’a rien d’étonnant.

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  • Françoise Vergier 29 juillet 2017 at 19:06

    Encore en route et vous pensez déjà au futur voyage !!! C’est super . Bises aux garçons , il me semble qu’ils ont grandi

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  • Pa ferragu 28 juillet 2017 at 16:31

    C est juste un moment exceptionnel de votre vie ,.. pourvu que cela dure… on vous envoie des bisous

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